dimanche 23 octobre 2022

LE VOLONTARIAT DE RECIPROCITE INTERNATIONALE : ENTRE MOBILITES CROISEES ET RESPONSABILITES PARTAGEES


L’environnement de la coopération internationale est marqué depuis les deux dernières décennies par la consécration du champs lexical du changement, on parle de renouvellement des relations entre pays. De la commission de l’Union Africaine en 2017 qui parle de « l’Afrique que nous voulons[1] », au dernier sommet Afrique -France[2], où il a été question de redéfinir ensemble les fondamentaux des relations entre la France et l’Afrique, le discours est le même ! il faut Coopérer différemment.   C’est de bon augure, entend -on dire dans toutes les plateformes et autres fora engagés. Ce changement porte bien évidemment sur tous les secteurs de la coopération, notamment celui des engagements citoyens que la présente réflexion se propose d’aborder en général et du volontariat français en particulier qui sont sujets eux aussi à de fortes controverses.

L’un des éléments marquant du changement en cours dans le secteur du volontariat c’est l’impératif de la réciprocité aujourd’hui dans ce domaine. Plusieurs acteurs en ont fait une priorité pour les années avenirs. Dans un tel environnement l’on pourrait s’interroger sur les enjeux de cette réciprocité, pourquoi en parle-t-on aujourd’hui ? qu’est-ce qu’elle implique ? quelle est la responsabilité des acteurs nationaux dans cette dynamique ?

1    Petit rappel historique

Le volontariat français est présent au Cameroun depuis 1966, année de déploiement des premiers volontaires au Cameroun sous la bannière de l’Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP)[3], c’est un axe de coopération qui a permis la mobilité de plusieurs milliers de jeunes français au Cameroun en tant que volontaires au sein des projets et programmes portés par divers acteurs. Cependant une revendication a vu le jour progressivement et a fait remettre en question ce modèle de coopération cinquantenaire, L’exigence de la réciprocité !

Pour dire que le volontariat international n’a de sens que lorsqu’il permet la rencontre et l’enrichissement interculturel, professionnel. etc, de ce point de vue la France devrait elle aussi accueillir des jeunes d’autres pays d’Afrique ou d’Asie sur son territoire dans le cadre du volontariat. Des mesures ont été prises à cet effet et la loi sur le Service Civique[4] français a constitué un pas important car elle permet au pays qui accueillent des volontaires de Service Civique français de déployer des volontaires en France. Un récent décret[5] a ouvert le volontariat de solidarité internationale à la réciprocité et cela est effectif depuis Aout 2022.

Quelques initiatives ont déjà été mises en œuvre dans le sens de cette mobilité croisée depuis quelques temps, nous pensons ici au projet africa 2020 qui a mobilisé une jeune camerounaise pour une mission de service civique dans la ville de Metz en 2021. Un projet porté par France Volontaires.

En d’autres termes un cadre légal favorable à l’envoi des volontaires camerounais en France est une réalité depuis plusieurs années, on est en droit de se demander quelles sont les dispositions légales au Cameroun qui pourraient permettre la mise en œuvre de cette réciprocité ? Lequel des acteurs nationaux, Agence de Service Civique Nationale et Programme National de Volontariat du Cameroun a mandat pour déployer des Camerounais hors du Cameroun comme volontaires internationaux ?

2    Les enjeux de la mobilité croisée

La mobilité croisée dans les engagements citoyens entre la France et le Cameroun repose sur un principe : ce que les jeunes français viennent faire au Cameroun durant leur mission de volontariat, des jeunes camerounais devraient aller faire la même chose en France dans les mêmes conditions. Cela pour rester en cohérence avec les discours qui animent les mobilités Nord-Sud. En effet un volontaire parce qu’il va à la rencontre des autres est porteur des valeurs de citoyenneté mondiale, il apporte sa contribution aux actions de développement local, il participe à déconstruire des préjugés établis par des pans de l’histoire, il est le premier ambassadeur de son pays au sein de sa communauté d’accueil.

De ce fait, dans la construction d’une logique d’équité et d’égalité il est aujourd’hui impératif de mettre en œuvre ces mobilités dans les deux sens, Nord-Sud et Sud-Nord car de même que la société française a besoin d’être édifiée sur certains aspects de la culture des autres pays, la société camerounaise a besoin de déconstruire le mythe de l’el dorado européen. La mise ensemble des jeunesses de tout âges est un outil majeur pour faciliter la communication entre les personnes et déconstruire les préjugés.

C’est surtout un enjeu central pour construire une nouvelle relation entre les peuples camerounais et français, une relation basée sur la rencontre, l’échange et le partage, la mutualisation des efforts. C’est un outil pour sortir des carcans d’une histoire commune mal vécue par les jeunesses, porteuse de révoltes et de crises diverses.

3    Des responsabilités partagées

C’est une chose de parler de réciprocité dans les dispositifs de volontariats entre la France et le Cameroun, s’en est une autre de la mettre en œuvre, ce point précis interpelle non seulement les deux Etats concernés, mais aussi les sociétés civiles à plusieurs niveaux.

Pour les Etats il s’agit de la mise en place d’un cadre juridique favorable à ces mobilités et la mise à disposition des moyens suffisants pour la mise en œuvre de cette volonté politique, tout cela passe par un positionnement politique réel avec des orientations claires pour le déploiement d’une dynamique de mobilités croisées. Nous avons évoqué coté français des dispositions légales existantes favorables à la réciprocité, coté camerounais si on peut saluer l’adoption d’une loi régissant le volontariat national en 2021, nous attendons toujours son décret d’application et un positionnement réel par les actes sur la question du volontariat de réciprocité. Le rôle de l’Etat dans cette dynamique nouvelle est transversal, certains aspects comme le cadre de déploiement des OSC reste à mettre à jour au Cameroun.

Les sociétés civiles ont un rôle très important à jouer parce qu’elles sont au cœur de la dynamique de développement et de volontariat spécifiquement. Ces organisations sont confrontées au « rêve européen » par exemple qui aujourd’hui a entrainé un drame à ciel ouvert pour le continent africain. Pour qu’une dynamique de volontariat de réciprocité soit mise en œuvre il est important que ces préjugés soient déconstruits.  Dans un contexte du « paris à tout prix » comment construire des partenariats solides et durables entre acteurs français qui pourraient recevoir des volontaires camerounais et structures camerounaises ? Si une réponse est trouvée à cette question nous pensons que la mobilité croisée a de beaux jours devant elle.

La structuration des organisations de la société civile jouerait un grand rôle dans la dynamique de mobilités croisées parce qu’elle garantirait la qualité des projets montés, il faut des acteurs fiables, ayant une bonne connaissance des mécanismes de financement des projets par exemple. Des acteurs qui disposent des capacités financières ont généralement une plus grande marge de manœuvre et de déploiement.

Les OSC devraient être des forces de propositions de projets et capables de les mettre en œuvre, lorsqu’on connait la situation des OSC et le cadre qui les accompagne il y a lieu d’avoir quelques réserves quant aux possibilités des OSC camerounaises.

4    Evitons un énième débat Nord-sud

Dans ce contexte de changement de paradigmes de la coopération Cameroun- France il est important que toutes les problématiques soient adressées par les deux parties. Si la littérature sur la problématique du volontariat de réciprocité est plus ou moins abondante coté français, il y a tout de même un silence impressionnant autour de cette problématique coté camerounais, très peu d’auteurs d’articles, peu ou pas d’ouvrages, encore moins de positionnement scientifique autour de cette question.

Dans un tel environnement nous pouvons dire sans hésitation que le débat autour du volontariat de réciprocité n’est pas une initiative camerounaise. Cependant il représente une opportunité pour les acteurs nationaux soucieux de promouvoir les engagements citoyens dans une logique d’égal à égal. Il ne faudrait pas que le volontariat de réciprocité soit une initiative venue d’ailleurs comme l’essentiel des orientations données aux accords de coopération qui sont décriés partout sur le continent africain.

 

A l’aube d’une nouvelle ère dans la coopération entre les pays, les cartes vont être redistribuées sur la table de la société internationale. Si les bases des anciens schémas de coopération ont été jadis pensées par l’occident, ce schéma a montré ses limites. Il est de ce fait question de construire la coopération qui nous convient, dans le domaine spécifique du volontariat, l’ouverture à la réciprocité est un impératif catégorique qui nécessite tout de même une grosse implication de la part de l’Etat et des autres acteurs de l’écosystème du volontariat au Cameroun. La partie camerounaise doit jouer un rôle plus actif, être une force de proposition et d’initiatives. C’EST UNE AFFAIRE DE TOUS !

 



[1] « L’Afrique que nous voulons » c’est le slogan qui porte l’agenda 2063 de l’Union africaine : l’Agenda 2063 représente le cadre stratégique de développement de l’Afrique à l’horizon 2063. 

[2] Le Nouveau Sommet Afrique-France s’est tenu à Montpellier du 7 au 9 octobre 2021. Cette rencontre a reposé sur un Nouveau format, de nouveaux acteurs… avec pour objectif de porter un regard neuf sur la relation entre l’Afrique et la France pour offrir un nouveau cadre de réflexion et d’action aux nouvelles générations.

[3] L’association française des volontaires du progrès est créée en 1963 par le général DEGAULLE, elle prend l’appellation France Volontaires en 2009

[4] LOI n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique

[5] Décret n° 2022-1067 du 28 juillet 2022 pris pour l'application de la loi n° 2005-159 du 23 février 2005 relative au contrat de volontariat de solidarité internationale

 

mercredi 24 août 2022

LE SOUTIEN SOUS CONTROLE DES ACTEURS DE LA SOCIETE CIVILE: LE CAS DES ORGANISATIONS DE LA SOLIDARITE INTERNATIONALE FRANCAISES ET EUROPEENNES

Après un cinquantenaire de sensibilisation sur les valeurs et les principes humanitaires, n'assiste t'on pas a la déconstruction de l'idéal par la raison d'Etat? je vous suggère cette réflexion pertinente sur le soutien conditionné des acteurs de la société civile en France, pas besoin de préciser que ce débat est d'actualité partout ailleurs.



mardi 4 mai 2021

L’ ACTION HUMANITAIRE INTERNATIONALE : QUELLES PERCEPTIONS ? QUELS REGARDS AU SEIN DES POPULATIONS LOCALES AU CAMEROUN ?


L’action humanitaire moderne depuis plus de cinquante ans (lancement du sans frontiérisme[1]) a connu une évolution remarquable au point de constituer un système mondialement établi avec des ramifications politiques importantes. Elle repose aujourd’hui sur un écosystème bien structuré avec des entrées dans la sphère des influences diplomatiques, c’est une composante majeure des Relations entre les pays occidentaux, traditionnels donateurs et les pays dit du « sud », habituels bénéficiaires des aides.  

Ce secteur d’activité a fait l’unanimité au sein de la société occidentale, les travailleurs humanitaires ont bénéficié d’une présomption de pureté parce qu’ils incarnent le don de soi et la volonté de secourir les personnes en situation de détresse à travers le monde. Ce sont des personnes en marge de la société capitaliste, ils/elles renoncent au confort de leurs sociétés d’origine pour les zones de crise tres enclavées et c’est indubitablement un renoncement appréciable pour se consacrer aux personnes nécessiteuses. Les populations ont participé à financer ces missions grâce à leurs nombreux dons, c’est dire que l’action humanitaire y est bien perçue. La communication a joué un tres grand rôle dans cette approche angéliste en construisant autour des acteurs humanitaires une aura importante.

  En bordure des routes de campagne au Cameroun par exemple ? quelle lecture locale de ce dispositif international ?

La perception de l’Action humanitaire internationale : Entre indifférence, fascination et abnégation

Au-delà de la sphère politique qui évolue au gré des enjeux macro, le regard porté sur l’Action Humanitaire internationale dépend de plusieurs critères qu’il est important de mentionner, la catégorie sociale, le niveau d’instruction et le degré d’implication dans les activités sociales, raison pour laquelle mon observation s’est porté sur les citoyens lambda, la jeunesse estudiantine, les acteurs associatifs qui ont chacun des outils d’approche de la question différents.

Qu’en pense l’homme de la rue ?

Je précise d’abord que l’évolution de l’Action Humanitaire internationale est parallèle à celle des indépendances de plusieurs pays, elle chemine de ce fait étroitement avec une logique d’aide des ressortissants des pays « riches » du « nord » aux peuples en détresse dans les pays du « sud ».  Vu sous cet angle nous surfons toujours sur la vague de la vision civilisatrice sur laquelle a reposé la politique coloniale à son époque.

Nous sommes dans des contextes ou il existe encore des résidus de la mentalité de colonisés, il y subsiste toujours l’idée construite par la colonie selon laquelle les « blancs » sont riches, forts, tout puissants.  Il est de ce fait facile de classer l’aide humanitaire internationale dans le grand registre de l’aide au développement et ce qu’elle draine comme contradictions et débats au sein des sociétés africaines notamment, l’expression triviale « même pipe même tabac » est une imagerie appropriée pour illustrer le lien entre ces deux concepts.

Le regard des populations urbaines ou rurales, des hommes de la rue sur les acteurs humanitaires internationaux est un regard d’indifférence, ce sont des « blancs » à bord des gros véhicules 4x4 équipés de longues antennes qui ne s’arrêtent pas aux contrôles de police et sont quelques fois escortés par des militaires. Il n’y a aucune différence entre ces blancs là et ceux qui sont à bord des mêmes grosses cylindrés et travaillent pour les multinationales, après tout « un blanc est égale à un autre ». Il est clair que pour des paysans de retour du champ portant sur le dos des hottes de vivre frais, voir passer un véhicule avec marqué dessus « Action contre la faim » c’est une réelle curiosité et donc c’est tout simplement une affaire de « blancs », d’ailleurs que recherchent ils en réalité dans nos villages ?

Il y a tout de meme une certaine impression de puissance qui se dégage de ces « humanitaires », ils n’ont pas peur de dire « non » aux autorités administratives, ils peuvent interpeller le gouvernement et cette aura se répercutent sur les compatriotes qui sont recrutés au sein de ces organisations, ils sont perçus comme des privilégiés et ils bénéficient en société d’une certaine présomption de réussite intellectuelle et sociale, ils peuvent servir quelque fois de modèles pour des jeunes durant leurs études.

Perceptions de l’action humanitaire internationale au sein de la jeunesse

La jeunesse estudiantine quant à elle est un peu plus outillée, elle dispose d’outils d’analyses de la dynamique humanitaire internationale. C’est une jeunesse bercée tout d’abord par les luttes indépendantistes et aujourd’hui par la problématique du néocolonialisme, le débat contemporain autour du développement de l’Afrique. Cette catégorie sociale est restée elle aussi indifférente au discours porté par les acteurs humanitaires internationaux, les valeurs éthiques prônées par ces organisations n’y ont pas convaincu grand monde. Lorsqu’on a observé des Etats envahir militairement d’autres pour des raisons dites humanitaires il est préférable de ne pas trop se fier au discours humaniste qu’il y a autour.

De ce point de vue les acteurs humanitaires internationaux sont plus perçus avec suspicion qu’autre chose, l’implication des Etats dans cette dynamique fait l’objet de débat entre universitaires qui n’hésite pas à voir derrière toutes actions humanitaires occidentales une manœuvre d’influence étrangère… les thématiques d’instrumentalisation, politisation de l’action humanitaire sont fréquemment abordées.

L’arrivée des réseaux sociaux a grandement contribuer à libéraliser l’information, on peut facilement trouver de la documentation sur la théorie du pompier pyromane, ce qui conforte la jeunesse estudiantine dans ses aspirations à d’autres types de coopération entre pays. L’aura d’antan autour des acteurs humanitaires internationaux a pris un coup, dans les parties du pays en proie à des préoccupations sécuritaires[2] la sécurité des travailleurs humanitaires n’est pas garantie.

Nonobstant les fortes critiques portées sur le système humanitaire international il faut noter l’ouverture de la formation au secteur humanitaire. Il y a aujourd’hui une multitude d’offres formatives en Action Humanitaire dans des Instituts supérieurs et autres grandes écoles, c’est un phénomène de mode au sein des milieux de la formation dites professionnelle au Cameroun. L’engouement des jeunes pour ces filières innovantes est réel et des familles n’hésitent pas à consentir à d’énormes sacrifices pour payer ces formations généralement très couteuses à leurs progénitures afin qu’elles puissent intégrer la communauté élitiste des « travailleurs en 4x4 hyper sécurisés ».  Cependant, une analyse du contenu des offres formatives[3] fait état de ce que la formation tourne autour des éclairages conceptuels, de l’historique du mouvement humanitaire occidental avec quelques exemples pris de structures fameuses, Médecins sans frontières, OXFAM, la Croix Rouge internationale et ses démembrements nationaux…etc, bref une école de l’humanitaire à l’occidental, une tentative d’enseignement des théories et pratiques élaborées, conçues par et pour des acteurs occidentaux. 

Les difficultés d’intégration professionnelle auxquelles sont confrontés ces jeunes après leurs formations témoignent de mon point de vue de l’inconsistance de ces formations et surtout du fait qu’elles soient inadaptées aux besoins locaux en la matière. Doit – on blâmer les promoteurs de ces filières ? je pense qu’il faudrait de l’indulgence à leur égard parce qu’ils ne peuvent proposer comme offre formative que ce qui existe déjà, et les seuls à avoir théoriser abondamment l’Action Humanitaire sont et demeurent ses concepteurs occidentaux.

Les associations locales : supposés alter ego des acteurs humanitaires internationaux

Si l’on s’en tient aux valeurs humanistes prônées par les Organisations humanitaires internationales, l’humanisme, l’équité, l’égalité entre les hommes, la solidarité, des slogans tels « left no one behind », nous pouvons sans difficultés dire qu’ils ont des alter égo localement parce que la société civile foisonne de millions d’associations dans toutes les Régions du Cameroun portées par les mêmes valeurs. Cependant la rencontre entre acteurs du nord et du sud au chevet des valeurs humanistes suffit-elle pour en faire des partenaires ?

Les associations locales sont de mon point de vue la catégorie la plus au contact des acteurs internationaux, ils ont les mêmes cibles, les mêmes bénéficiaires mais ne disposent pas des mêmes moyens. N’est-il pas frustrant de consacrer toute son énergie pour les personnes défavorisées, d’etre confronté à toutes sortes de blocages administratifs, politiques, sécuritaires dans un environnement ou des acteurs du même domaine, mais venus d’ailleurs bénéficient de la protection de l’Etat, disposent des ressources financières importantes, peuvent brandir un cadre juridique[4] ratifiés par nos Etats ?

En effet, les organisations humanitaires internationales viennent faire dans les pays à coup de fanfares et de dollars ce que des milliers d’associations locales font avec des maigres ressources humaines et financières au quotidien dans tous les coins les plus reculés du pays. Lorsqu’éclatent des crises, elles sont les premières sur le terrain parceque constituées de personnes originaires de ces zones. Ces acteurs locaux sont aux premières lignes généralement en attendant l’arrivée du dispositif international porté par un encrage politique, dotés d’une logistique imposante…etc. Partagés entre un sentiment d’envie et de révolte, les acteurs locaux les plus ambitieux parviennent après des efforts à attirer l’attention des internationaux qui consentent alors à leur confier quelques prestations bien rémunérées.

Ainsi survivent les organisations locales aux cotés de la grosse machine politico- humanitaire internationale, entre frustration et fascination face aux moyens logistiques. Qui est responsable de ce gap ? Comment se sent - on en tant qu’acteur local lorsqu’on est informé par la télévision de l’évolution d’une crise humanitaire dans son propre pays ? Je questionnais déjà cette situation dans une réflexion en 2016, je me demandais ce qu’il adviendrait de la crise humanitaire au Cameroun s’il n’y avait pas les acteurs humanitaires internationaux.

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) 42 acteurs sont engagés, notamment 9 agences onusiennes, 16 Organisation non gouvernementales internationales, 6 ONG nationales, 5 institutions étatiques, 4 Mouvements Croix/Croissant Rouge et 2 Organisations Internationales[5]

Sur 42 acteurs engagés dans la réponse humanitaire seules 5 ONG Nationales y sont présentes en tant que prestataires auprès des Organisations humanitaires internationales. Cette absence de valorisation des capacités locales entretien sans aucun doute de nombreuses frustrations chez ceux-là qui sont relégués au second plan en attendant que leur soient transférées des compétences techniques qui leur permettrait de mieux assimiler la pratique humanitaire occidentale.

Les pays africains et au Cameroun en particulier l’écosystème humanitaire est animé par le système international qui coordonne les activités octroi les rôles en concertation avec la Direction de la Protection Civile, en charge de la réponse de l’Etat aux catastrophes et autres crises humanitaires. Face à cette situation de monopole des acteurs internationaux, les associations sont réduites à observer la scène humanitaire à bonne distance tout en sautant sur la moindre opportunité de séminaire ou de renforcement des capacités qui leur apprendrait à parler le langage humanitaire occidental.

Il faut préciser tout de même que les entraves au développement des acteurs de la société civile locale ne sont pas le fait des acteurs humanitaires internationaux, l’environnement national n’est pas favorable au développement d’un tissu associatif fort. Il est alors illusoire de prétendre à une collaboration d’égale à égale avec des acteurs internationaux soutenus par un encrage institutionnel puissant avec des ramifications politiques et financières importantes.

Depuis plus d’un cinquantenaire, le système humanitaire international a su tisser sa toile et se hisser parmi les composantes importantes des Relations Internationales, la littérature est abondante sur son évolution, les changements connus et les projections pour l’avenir. Parvenus au 21 e siècle il est opportun de questionner les opinions de l’autre partie prenante de la scène humanitaire : les populations des pays bénéficiaires. Les perceptions n’y sont effectivement pas les mêmes qu’en occident, les contextes ne sont pas les mêmes et le poids de l’histoire y est certainement pour beaucoup. Dans cette seconde réflexion sur la localisation de l’aide, Il faut  noter qu’un potentiel local existe et il ne demande qu’a etre écouté, tel était l’enjeux de cette analyse, si nous voulons évoluer vers un autre type de collaboration entre acteurs du nord et du sud il faut tout d’abord se connaitre, pendant cinquante années il n’y a eu communication qu’autour de la partie occidentale, intéressons-nous désormais aussi aux acteurs locaux c’est le premier pas et c’est l’aventure à laquelle je vous convie.


                                                      ACHILLE VALERY MENGO



[1]Action d’organisations non gouvernementales, dérivées du mouvement « sans frontières », qui cherchent à traiter de manière égale toutes les personnes quelle que soit leur nationalité et à tenter intervenir dans des pays dont les frontières sont fermées en vertu du principe d'humanité.

[2] Les Régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun connaissent une crise sécuritaire importante depuis bientôt 4 années à cause des groupes armées sécessionnistes.

[3] Je suis moi-même le produit d’une de ces grandes écoles ayant intégré une offre formative en action humanitaire

[4] Le Droit International Humanitaire

[5]https://achillemengo.blogspot.com/2016/08/la-reponse-humanitaire-au-cameroun_23.html 

 

mardi 30 mars 2021

LA LOCALISATION DE L’ AIDE OU LA CONSECRATION DE L’ECHEC DU SYSTEME HUMANITAIRE MONDIAL ?

 


 

L’Action humanitaire dite moderne nous a habitué depuis bientôt un cinquantenaire à un champs lexical tres riche. Au fil du temps nous avons vu passer des concepts aussi divers les uns des autres touchant aux multiples secteurs d’activités du domaine. Mon intérêt a été marqué spécifiquement par un concept récent, celui de la « localisation de l’aide humanitaire » parce qu’il touche une composante du système humanitaire jusqu’ici mal connue : les acteurs locaux dont le rôle lors des situations d’urgence intéresse de plus en plus les théoriciens de l’Humanitaire.

De quoi s’agit-il ?

Empruntons une définition intéressante au groupe URD[1] « La localisation de l’aide est un processus collectif des différentes parties prenantes du système humanitaire (donateurs, organismes des Nations Unies, ONG) qui vise à ramener les acteurs locaux (autorités locales ou société civile) au centre du système humanitaire avec un rôle plus important et plus central. En plus de permettre une réponse humanitaire plus efficace et performante, l’objectif à long terme de la localisation est de renforcer la résilience des communautés touchées par la crise en établissant des liens avec les activités de développement »[2]

En d’autres termes, la localisation de l’aide préconise que les organisations locales (nationales, société civile) soient désormais au centre des réponses humanitaires mise en œuvre dans les pays en situation de crise. C’est une idée dont la pertinence est réjouissante pour tout acteur de la société civile au Cameroun par exemple, cependant suffit-il d’en parler pour que ce concept soit matérialisé ?  Quelques questions pourraient à juste titre être posées par les citoyens lambda que nous sommes.

C’est une idée de qui ? un débat entre acteurs internationaux ?

Il est important de préciser ici que ce qu’on appelle « système humanitaire mondial ». C’est un dispositif mis en place par les acteurs occidentaux pour pouvoir répondre aux crises récurrentes dans les pays dit du « sud » (Afrique, Asie, Amérique du Sud). L’observation de certaines limites dans leurs activités sur le terrain a généré un débat sur la nécessité d’impliquer davantage les acteurs des pays concernés.  Cette idée s’est concrétisée en 2016 au sommet humanitaire mondial qui a consacré un point important sur L’idée de laisser une plus grande marge de manœuvre aux acteurs nationaux et aux sociétés civiles locales.

Qu’en pensent les acteurs humanitaires locaux ?

Comme tous les débats à caractère revendicatifs, les professionnels du secteur humanitaire ont avec ce concept l’opportunité de critiquer la coopération internationale comme nous savons le faire dans les chaumières. Les acteurs dit locaux prennent part aux sommets internationaux sans y avoir un impact quelconque, une observation passive d’un débat qu’on peut qualifier d’occidentalo – occidentaux.  Ils sont invités à participer aux initiatives d’échanges organisées par les acteurs internationaux, ils participent à la rédaction de quelques articles pour des revues occidentales. Il faut cependant reconnaitre qu’il n’y a pas d’initiatives locales de réflexion majeures pour apporter une contribution africaine, pour ce qui concerne l’Afrique à ce débat.

Une trouvaille après 50 ans d’échec du système humanitaire mondial ?

Il y a de mon point de vue un sujet de réflexion intéressant pour quiconque observe l’écosystème humanitaire international, nous avons ici l’opportunité de questionner la pratique humanitaire dans nos pays afin d’analyser la faisabilité de ce vœu des acteurs « politiques » internationaux. Pourquoi avoir attendu 50 années pour se rendre compte qu’il faut laisser les acteurs locaux prendre en main les réponses humanitaires dans leurs pays respectifs ?

Quand on sait que le système humanitaire mondial repose sur des principes, des pratiques, des théories et mécanismes conçus et mis en œuvre en fonction des grilles de lecture et perceptions occidentales, on pourrait également questionner la volonté de localisation, signifie t’elle l’appropriation des pratiques humanitaires occidentales ? quelles sont les possibilités de faire autrement ? les acteurs locaux ne sont-ils pas une fois de plus contraint de prendre un train en marche ?

Etudier la faisabilité de la localisation de l’aide humanitaire nécessite un questionnement rigoureux des sociétés humanitaires nationales. Telle est l’aventure épistémologique à laquelle je vous convie, je vous propose d’analyser sur une fréquence mensuelle les différents aspects du concept de localisation de l’aide humanitaire, l’environnement est-il propice à une responsabilisation des acteurs locaux ? Et si c’était encore un concept creux ?

Nous partagerons cette réflexion et ensemble nous évoluerons vers les réponses parceque je pense qu’il s’agit là d’un moment historique pour la pratique humanitaire dans nos pays, spécifiquement le Cameroun fortement frappé depuis bientôt une décennie par la crise humanitaire la plus grave de son histoire. Allons-nous encore laisser les « autres » réfléchir à notre place sur comment rendre nos organisations humanitaires plus efficaces ?



[1]

Véronique de Geoffroy et François Grunewald , Plus que l’argent- la localisation en pratique in …4…https://charter4change.files.wordpress.com/2017/08/plus-que-de-largent-la-localisation-en-pratique.

[2] Le Groupe URD est un think-tank indépendant spécialisé dans l’analyse des pratiques et le développement de politiques pour l’action humanitaire et la gestion des fragilités

samedi 13 mars 2021

CRISE HUMANITAIRE SANS PRECEDENT/ VRAIMENT?

Je partage avec vous ce questionnement intéressant de Jean Noel WETTERWALD sur les qualificatifs attribués aux crises par les médias, qu'est ce qu'une crise sans précèdent en réalité? est -elle vraiment sans précèdent parceque le journaliste le dit? 

Pour en savoir plus: https://blogs.letemps.ch/jean-noel-wetterwald/2021/03/04/crise-humanitaire-sans-precedent-vraiment/

mercredi 6 novembre 2019

L'AIDE "HUMANITAIRE", CACHE- MISÈRE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Et si l’on se trompait ? Si les bonnes volontés des citoyens engagés dans la solidarité internationale entretenaient un système qui réduit les droits des populations et l’action des Etats ?

mardi 30 juillet 2019

QU'AVONS NOUS PERDU EN CHEMIN?

Bonne question de la part d'un acteur humanitaire qui observe la transformation de l'Action Humanitaire en "industrie humanitaire".Effectivement les fondements de la mobilisation se sont dilués dans les "indicateurs d'impacts. Mais moi ca m'inspire plutôt une autre question: et les africains (éternels bénéficiaires) dans tout ca? qu'ont 'ils à dire?

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LE VOLONTARIAT DE RECIPROCITE INTERNATIONALE : ENTRE MOBILITES CROISEES ET RESPONSABILITES PARTAGEES

L’environnement de la coopération internationale est marqué depuis les deux dernières décennies par la consécration du champs lexical du cha...